Hier soir, à table, j’ai fait des jaloux. Mes gendres. Et Paul aussi, un peu. Tout ça parce qu’entre les gougères au fromage et le bar de ligne, j’ai osé prononcer un prénom : Hugues. Pour la peine, je vais tout vous raconter, à vous aussi.
Hugues, il est d’abord comme tous les papas (en tout cas, ceux qui m’entourent, à commencer par mes gendres justement). Il sait tout faire : changer une couche, réchauffer une purée sans repeindre le micro-ondes, plier et replier un lit-parapluie dans le noir, brosser les dents à trois enfants en même temps, ne pas mélanger les pois et les rayures, et s’armer de patience pour apprendre le vélo sans les petites roues. En résumé : un vrai Ganesh version bermuda-espadrilles.
Hugues a deux garçons et figurez-vous, qu’à ses heures perdues, ce papa…écrit lui-même les histoires qu’il lit à ses enfants ! Ça lui a pris comme ça, un jour, désolé qu’il était de ne pas trouver en librairie l’histoire de son héros d’enfance : un coureur automobile au destin légendaire.
Alors, en trois pages, sur son ordinateur, il s’est lancé. C’est venu tout seul. Dans la foulée, il a même ajouté des photos trouvées sur Internet. Depuis son bureau, il a tout imprimé et a glissé l’histoire dans sa sacoche. Le soir-même, ses fils découvraient, les yeux écarquillés, les aventures du fameux héros.
Vu le succès, Hugues m’a dit qu’il avait recommencé plusieurs fois. « Grâce à l’écriture et même à travers de très courtes histoires, je peux tout dire à mes enfants. Transmettre des valeurs, leur ouvrir de nouveaux horizons, dédramatiser une situation, leur parler d’un grand-père qu’ils n’ont pas connu… Tout est tellement plus simple quand j’utilise mes mots et mes images », m’a-t-il confié.
C’est vrai, après tout. D’un coup de plume peut surgir l’histoire d’un petit garçon qui ne veut pas devenir grand-frère ou celle d’un vieux monsieur fatigué qui monte au ciel…
Vous comprendrez dès lors pourquoi les hommes de la maisonnée – bien que bourrés de qualités ! – ont pris ombrage de cette anecdote. Il n’empêche que j’ai involontairement réussi à les mettre au défi. Depuis ce matin, chacun planche donc sur une page blanche. Quant à Paul, il s’est improvisé « directeur de mémoire », distribuant les thèmes à la volée : le partage / l’amour impossible / la gentillesse / la volonté / les rêves / la famille…. Je relève les copies ce soir pour voir qui est le meilleur conteur.