L’ostéoporose est une maladie peu connue mais fréquente qui touche 30 à 40% des femmes après la ménopause et 15 à 20% des hommes après l’âge de 50 ans*. En France, chaque année, elle est la cause 393 000 nouvelles fractures*. Afin d’en savoir plus sur comment nous protéger contre la maladie, nous avons rencontré le Professeur Cortet, rhumatologue au CHU de Lille.
Qu’est-ce que l’ostéoporose, exactement ?
L’ostéoporose se caractérise par une fragilisation du tissu osseux. Cette anomalie est à la fois quantitative et qualitative. Quantitative, puisque le patient présente un déficit de tissu osseux. Ceci se vérifie lors d’un examen, qui permet de mesurer la teneur en calcium dans les os.
L’ostéoporose touche aussi la qualité des structures de l’os en elles-mêmes. On peut parler d’anomalie architecturale osseuse, comme si le tissu osseux était une grue, constituée de gros piliers extérieurs et de petites travées. Quand les piliers et les petites travées s’amincissent et se perforent, on parle d’anomalie qualitative.
Le grand public est-il suffisamment sensibilisé à cette maladie ?
Quand on interroge les gens, s’ils ont déjà entendu parler de cette maladie, ils ne savent néanmoins pas exactement comment elle se manifeste, personne ne sait dire exactement ce qu’est cette maladie. Ce n’est pas une critique. On note aussi souvent une confusion entre “ostéoporose” et “arthrose”. Or le seul point commun est qu’elles touchent toutes les deux, le plus souvent, les personnes âgées.
Quelles sont les conséquences de la maladie sur les personnes qui en souffrent ?
Le plus souvent, les patients atteints d’ostéoporose multiplient les fractures. Plus les os se fragilisent, plus il y a de risques qu’une fracture survienne, et ce, même sans traumatisme majeur.
Se fracturer un os en tombant de sa hauteur, ce n’est pas normal, et c’est l’éventualité la plus fréquente lorsque l’on est atteint d’ostéoporose. On peut même se fracturer un os sans aucun traumatisme, et cela arrive le plus souvent sur les vertèbres. J’insiste sur cette dernière fracture, car elle est plus fréquente que l’on ne l’imagine et elle est peu diagnostiquée. Pourtant, ce type de fracture a des conséquences importantes : douleurs, handicaps, dos voûté… Parfois, les patients multiplient les fractures des vertèbres et découvrent chez le médecin qu’elles en ont déjà 5. C’est ce que l’on appelle : « la cascade fracturaire ».
Quel âge ont les patients touchés par cette maladie, en moyenne ? Les hommes et les femmes sont-ils égaux face à elle ?
L’ostéoporose apparaît le plus souvent après 50 ans*.
Il y a effectivement une différence entre les femmes et les hommes. Pour les femmes, la probabilité de se fracturer un os au-delà de 50 ans est de 40%, alors que pour les hommes elle n’est “que” de 14%*.
Ceci s’explique en partie par la survenue de la ménopause chez les femmes.
Quel est le lien entre la ménopause et l’ostéoporose ?
Quand les ovaires ne fonctionnent plus (ce qui se passe à la ménopause), la production d’œstrogènes s’arrête. Or cette hormone a un effet bénéfique sur le tissu osseux. Lorsque la quantité d’œstrogènes n’est plus suffisante, le fragile équilibre qui permet au tissu osseux de se renouveler est rompu. Ainsi, la quantité de tissus détruits est plus importante que celle qui est constituée, d’où l’apparition d’une fragilité osseuse. Cela se produit dans les 5 à 10 années qui suivent la survenue de la ménopause**.
En plus des vertèbres, que vous avez déjà évoquées, quelles sont les os les plus touchés par la maladie ? Quelles sont les fractures les plus courantes ?
L’ostéoporose peut toucher tous les os du squelette, mais il existe quelques exceptions. Le crâne, la colonne cervicale, les doigts et les orteils n’en sont jamais les victimes.
Pour ce qui est des fractures, les plus fréquentes sont celles du col du fémur, de l’épaule, du bassin, et comme je l’ai dit précédemment, des vertèbres.
Pour le col du fémur, on recense environ 90 000 fractures par an, et 56 000 pour les vertèbres*. La fracture du poignet, qui est souvent le signe d’alerte de l’ostéoporose, n’est pas toujours liée à une ostéoporose. Il y en a environ 56 000 par an*.
Quels peuvent être les signes de la maladie ?
Avant la fracture, il n’y a pas forcément de signes alarmants. C’est pour cela qu’il est important de communiquer sur la maladie. La densitométrie osseuse constitue dans ces conditions un excellent examen de dépistage. L’un des signes d’alerte est représenté par la diminution de la taille. Lors d’une auscultation chez un patient que l’on soupçonne d’être atteint d’ostéoporose, la procédure est de le mesurer. On compare ensuite sa taille à celle qui est notée sur sa carte d’identité. Si les deux tailles ont plus de 4 cm de différence, on a une probabilité très importante qu’une vertèbre soit fracturée. On vérifie alors avec des radios, qui confirment ou non la présence d’une fracture. Certaines peuvent être très anciennes, et passées totalement inaperçues.
Comment se prémunir contre la maladie ?
Pour commencer, je dirais que nous ne sommes pas tous égaux face à l’ostéoporose, puisqu’il y a le facteur génétique à prendre en compte.
Il faut également faire attention à ses apports en calcium et vérifier que l’on n’a pas de carence. Ainsi, on recommande de consommer suffisamment de produits laitiers, certaines eaux minérales peuvent également constituer une source non négligeable de calcium. Les apports en protéines sont à surveiller aussi, puisqu’elles constituent une partie de l’os. En sus, ce sont elles qui maintiennent nos muscles en bonne santé. Qui dit carence en protéines dit risque de chute plus élevé.
De manière plus globale, le maintien d’une bonne hygiène de vie est indispensable pour éviter les maladies. On sait par exemple que le tabac, l’alcool et la sédentarité ne favorisent pas une bonne santé osseuse. L’activité physique doit être adaptée à l’ostéoporose : pour prévenir la maladie, le mieux est que le pied ait un contact physique avec le sol. On conseille donc souvent la marche à pied.
Existent-ils des traitements contre l’ostéoporose ?
Le traitement médicamenteux n’est pas systématique.
Deux paramètres sont pris en compte. Le premier est la présence ou non d’une fracture, et si oui, sur quel os.
Le deuxième paramètre à prendre en compte est la densité et la qualité des os du patient. Pour le savoir, on pratique une densitométrie osseuse. Si elle est abaissée de manière significative, alors il faudra procéder à un traitement médicamenteux, en plus d’appliquer les conseils hygiéno-diététiques que j’ai donnés précédemment.
Est-ce qu’il existe aujourd’hui des services spéciaux de prévention pour l’ostéoporose en France ?
A ma connaissance, il n’existe pas de services de prévention dédiés à cette maladie. Il existe des centres de soin, comme l’Institut Pasteur de Lille qui a mis en place une consultation de prévention incluant la réalisation d’une densitométrie osseuse.
Je suis responsable d’une structure qui s’appelle le Groupe de Recherches et d’Informations sur les Ostéoporoses. Nous travaillons conjointement avec une association de malades, l’Association Française de lutte Anti Rhumatismale. Nous militons depuis un certain temps pour essayer d’élargir le champ du remboursement de la densitométrie osseuse, examen pour l’instant remboursable sous certaines conditions.
Notre conviction est qu’il vaut mieux “prévenir que guérir”. Pour nous, l’examen pourrait permettre de prévenir de nombreuses fractures. Notre idée serait de proposer une consultation de “bien vieillir”, qui comporterait plusieurs examens sur les maladies liées à l’âge, dont une densitométrie osseuse. J’espère que ce genre de consultation, qui n’existe pas pour l’instant, va se développer rapidement.
*https://www.aflar.org/IMG/pdf/livre_blanc-version_legere.pdf
**communiqué de presse Feet me (page 4)