Quatre Grand-Mères, quatre manières d'être femme - Grand-Mercredi
4 femmes

Rencontre

Interview - Quatre Grand-Mères, quatre manières d'être femme

Pour la première fois chez Grand-Mercredi, quatre Grand-Mères ouvrent leurs cœurs sur le sujet de la cause des femmes

Avant d’être Grand-Mère, vous êtes une femme. Révolutionner le rôle de la femme, sa place dans la société, le rapport à la féminité et au corps féminin est une des empreintes majeures de notre siècle et celui de vos Petits-Enfants. Cette révolution, que vous l’ayez vécue de près, de loin à travers les personnalités qui l’ont portée, fait partie de notre histoire à tous. Cette révolution et la manière dont elle résonne en vous et dans vos relations avec les femmes de vos vies est un héritage indispensable à transmettre à tous vos Petits-Enfants ! Pour la première fois chez Grand Mercredi, quatre Grand-Mères nous ont confié leur expérience de cette révolution et de sa transmission.

Propos recueillis par Ombeline Degermann

interview-MARS-20201-mix-photos 1 laurence

Laurence, alias Dousty, est belle Grand-Mère de 3 Petits-Enfants et Grand-Mère d’un Petit-Fils.

Être femme à votre époque, qu’est-ce que c’était pour vous ?

L


Deux mots me viennent tout de suite : légèreté et insouciance. Je me sentais incroyablement libre et indépendante. Le vent de 68 était passé par là et je sentais que l’éventail des possibles s’ouvrait devant nous aussi bien dans nos vies personnelles que professionnelles.

Est-ce différent d’aujourd’hui ?

L


Oui pour moi c’est très différent. J’appelle les jeunes femmes d’aujourd’hui « les 200 % » parce que même si le partage des tâches est plus présent, je crois qu’une mère, même quand elle travaille, reste reliée intuitivement à ses enfants donc elle prend naturellement plus part à leurs soins. J’éprouve beaucoup d’admiration et d’empathie pour les jeunes femmes d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur dans le combat pour la cause des femmes ?

L


Je suis très sensible à la situation des femmes divorcées, qui travaillent, ont la garde des enfants et qui se retrouvent dans la précarité ou n’ont pas la perspective d’une retraite. Je crois qu’il faut que le droit s’adapte pour leur permettre des moyens d’action notamment pour percevoir leur pension alimentaire. J’encouragerai toujours mes filles et Petites-Filles à travailler, il me semble fondamental qu’elles soient libres et indépendantes.

Quelle évolution en matière de droit des femmes vous a le plus marquée ?

L


La pilule ! Pouvoir maîtriser sa fertilité me semble incroyablement révolutionnaire. Je pense aussi au droit à l’avortement.

Quelles sont les femmes de votre famille qui ont le plus marqué votre vie ?

L


Mes Grand-Mères d’abord par leurs personnalités et leurs chemins de vie si différents. Elles ont fait leurs choix et tracé leurs destins. Pas un jour ne passe sans que je pense à ma Grand-Mère maternelle qui était la bonté, la grâce et la tendresse incarnées. Ensuite je pense à ma maman : une femme émancipée, avant-gardiste et divorcée alors que c’était très mal vu à l’époque. Elle a toujours travaillé. J’admire beaucoup sa force de caractère, son indépendance et son courage.

Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à vos Petites-Filles ?

L


Avant tout de croire en elles et en leurs rêves ! Comptez sur vous-même, n’écoutez pas les rabat-joie et les pessimistes.
Ouvrez grand vos cœurs, donnez sans compter : vous verrez tout ce que vous recevrez en retour.
Croyez en la vie et ne vous laissez pas abattre ni par les esprits chagrins ni par les échecs car ils vous font grandir.
La vie est la plus belle aventure que l’on puisse vivre alors vivez la à fond !

interview-MARS-20201-mix-photos-4-valerie

Valérie, alias Maminou, Grand-Mère de 6 Petits-Enfants.

Être femme à votre époque, qu’est-ce que c’était pour vous ?

V


J’avais 11 ans en 1968 et c’était la liberté ! Ce mot était maitre pour mes parents qui m’ont élevée avec ma sœur dans une liberté totale. Par opposition à ma mère avec qui j’avais une relation difficile, je souhaitais par-dessus tout, au-delà de mes études, fonder une famille. J’avais 20 ans quand j’ai rencontré mon mari et mes parents étaient très surpris que je décide de me marier si jeune. Mon choix était à contre-courant de l’époque mais il était tout à fait assumé !

Qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur dans le combat pour la cause des femmes ?

V


L’égalité dans le travail au sens large ! C’est à dire le salaire mais aussi l’accès aux postes et aux responsabilités. Que nous nous n’entendions plus des questions comme « va-t-elle tenir le coup dans ce poste ? Et si elle décidait d’avoir un enfant ? ». Avoir le choix de faire ce qu’on aime c’est essentiel.

Quelle évolution en matière de droit des femmes vous a le plus marquée ?

V


La contraception et ce choix de la fertilité sont pour moi la base de tout ! Ma mère n’a pas eu cette liberté et ça m’a beaucoup marquée. A 14 ans, ma mère m’a emmenée chez la gynécologue, cette approche était très moderne à l’époque.

Quelles sont les femmes de votre famille qui ont le plus marqué votre vie ?

V


D’abord ma Grand-Mère paternelle qui était couturière. Elle a travaillé jusqu’à la fin de sa vie. Je l’adorais, tout était tendresse et amour avec elle. Elle s’est beaucoup occupée de moi puis de mes enfants quand je suis devenue mère. Il y a aussi ma maman : j’ai toujours tout fait pour ne jamais lui ressembler mais elle reste pour moi un modèle de travail et de volonté, une volonté dont j’ai hérité d’ailleurs. Enfin, j’ai presque été adoptée par la famille de mon amie Anne, connue en 6ème. Sa maman Nicole a été ma seconde maman. J’ai toujours admiré la relation qu’elle avait avec ses enfants et l’ambiance pleine de joie qui régnait dans sa maison. Mon envie de fonder ma famille vient d’elle ! Je tiens à n’avoir aucune distance avec mes enfants et mes Petits-Enfants.

Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à vos Petites-Filles ?

V


Je veux dire à mes Petites-Filles que tout est possible et que c’est merveilleux de pouvoir s’en persuader. Et si elles veulent faire des choses qui sortent de l’ordinaire, je les soutiendrai toujours. J’aimerais aussi mettre entre leurs mains les livres de femmes comme Elisabeth Badinter et Gisele Halimi.

interview-MARS-20201-mix-photos-3-aurelie

Aurélie, alias Mamili, Grand-Mère de 2 Petits-Enfants.

Être femme à votre époque, qu’est-ce que c’était pour vous ?

A


A 20 ans, c’était l’indépendance dans tous les sens du terme ! Puis j’ai été maman, j’ai construit ma famille tout en travaillant. J’avais peu de temps pour moi mais j’ai trouvé mon équilibre et ça me rendait très heureuse. Ce sont pour moi des années de bonheur assez absolu !

Quelles sont les femmes de votre famille qui ont le plus marqué votre vie ?

A


Ma Grand-Mère paternelle sans hésiter ! Ancienne professeure de piano, elle habitait avec nous, elle était joviale, rigolote, en avance sur son époque et nous aimait, mes sœurs et moi, inconditionnellement. Nous nous sommes adorées et échangions des lettres quand nous étions loin l’une de l’autre, notre relation était complice et tendre. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à elle. Ma maman bien sûr et puis il y a mes sœurs ! Tellement importantes pour moi. Quand je suis loin d’elles elles me manquent beaucoup, nous avons besoin de nous voir. Nous avons partagé énormément, nous sommes plus que des amies.

Quelle évolution en matière de droit des Femmes vous a le plus marquée ?

A


La contraception, la pilule ! C’est une avancée majeure, un changement de société. Avoir le pouvoir de décider ou non d’avoir des enfants est une liberté primordiale pour la femme et le couple, dont l’équilibre a donc évolué aussi.

Qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur dans le combat pour la cause des femmes ?

A


La femme s’est déjà bien libérée et émancipée mais ce combat doit continuer. Je souhaite que mes filles et Petites-Filles puissent faire des choix, les assumer et ne pas être contraintes par des considérations liberticides. Je crois qu’une des clés de la liberté et de l’autonomie est de travailler.

Aviez-vous un secret pour entretenir cet équilibre professionnel et personnel ?

A


D’abord, ne pas placer la barre trop haut ! Il faut trouver un juste équilibre entre ce qu’on aime faire et ce qui est atteignable pour être heureuse à la fois dans sa famille et son travail. Et puis, j’ai toujours eu la capacité de « couper » ! Quand j’étais avec mes enfants j’étais vraiment avec eux, le travail ne devait pas interférer. Et au bureau, j’étais dans ma bulle pour être la plus efficace possible.

Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à vos Petites-Filles ?

A


D’abord la gaieté ! J’y tiens beaucoup. J’aimerais qu’elles puissent se dire qu’avec leur Grand-Mère elles rigolent (presque) tout le temps, que l’ambiance est joyeuse. Et je voudrais qu’elles ne soient pas entravées dans leur liberté et qu’elles écartent ce qui les empêcherait d’assumer leurs choix.

interview-MARS-20201-mix-photos-2-veronique

Véronique, alias Mounie, Grand-Mère de 7 Petits-Enfants.

Être femme à votre époque, qu’est-ce que c’était pour vous ?

V


Un mélange entre des envies puissantes, beaucoup de rêves et des entraves très fortes peut-être parce que j’étais ainée de la fratrie. Je pense que j’aspirais à autre chose mais je n’avais pas la liberté à l’époque de pouvoir m’affranchir de cette peur de ne pas décevoir. C’était juste après mai 68 et j’ai été prise entre cette volonté de cadre que voulaient mes parents et cette forme d’envie de tout envoyer en l’air. Quand je voulais m’éclater, je le faisais toujours en douce. A 30 ans, c’était plus facile mais je crois qu’il m’a fallu beaucoup d’années pour acquérir de la liberté.

Qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur dans le combat pour la cause des femmes ?

V


D’abord la liberté d’être soi-même c’est-à-dire d’assumer de ne pas avoir toutes les réponses, d’avancer en réajustant indéfiniment, d’accepter que certaines certitudes s’éloignent. Je crois que la liberté des femmes ne vient que par les femmes grâce aux chemins qu’elles tracent, aux avancées qu’elles soulèvent et aux transgressions qu’elles osent.

Quelle évolution en matière de droit des Femmes vous a le plus marquée ?

V


Le droit à disposer de son corps librement est fondamental pour moi.

Quelles sont les femmes de votre famille qui ont le plus marqué votre vie ?

V


Il y a de mes deux Grand-Mères dans ma manière de l’être à mon tour. D’un côté, un peu de folie, de la volonté de prendre la vie qui vient du fond de notre cœur et de l’autre côté, de la tradition, une approche plus cartésienne. Je fais des confitures ! Ma mère a aussi été très importante. Il m’a fallu l’affronter, m’en détacher et ne pas lui ressembler parce qu’il était essentiel que je sois autre. Mes relations avec mes sœurs sont fondamentales, elles font partie de mes piliers de vie. J’ai côtoyé beaucoup de femmes dans ma famille et dans cette liberté de penser dont je voulais m’approcher et dont je rêvais pour moi – c’est à travers ce que je trouvais de libre en elles que je les ai aimées le plus.

Qu’est-ce que vous souhaitez transmettre à vos Petites-Filles ?

V


Je crois que l’amour permet infiniment de choses. Grâce à ce lien précieux que j’ai avec mes Petites-Filles, j’aimerais leur permettre de faire partir leurs peurs. La peur de ne pas se faire confiance, celle de ne pas oser, de ne pas y arriver.

interview-MARS-20201-mix-photos